Visite de Frankwa

Publié le par Frankwa

Au commencement était le mail. Celui de Luigi. Il planait à la surface de mon écran, promettant « Je t'attendrai tel le Messie ». Certains trouveront la formule grandiloquente, pour ma part je la prenais sur le mode chaleureux. J'ignorais qu’en réalité, ces mots étaient pour Luigi véritablement chargés de sens, et dissimulaient rien moins qu'une prophétie. Bienheureux ceux qui croient les écritures, fussent-elles électroniques, car tel le Messie il m'attendait, à l'aéroport de Prague.


En vérité je vous le dis, dans la suite de cet émouvant accueil sur l'air de « Jésus revient, Jésus revient », le week-end vit se succéder un cortège de cantiques plus bouleversants les uns que les autres. Le premier était joué par un groupe de Reggae, de pop, de rap et de hard-métal, pour autant que j'en puisse juger, dans une Mecque dédaliforme nommée « le cross-club ». Le décor y était bâti à l’aide de tiges de fer, de mécanismes démontés, de pièces détachées en mouvement chaotique. La Mecque, par endroit, devenait Meccano. Dans cette atmosphère de catastrophe ferroviaire et de messe satanique, Luigi se dérobait aux regards indiscrets à l'aide d'un demi litre de tcherny ochy, une bière noire comme la Vltava qui traverse Prague et coule dans le sang de ses habitants, lesquels d’ailleurs ne s’en portent pas plus mal, merci.
Je ne suis pas un grand buveur, mais Luigi s'obstinait à vérifier que tout le monde a droit à sa bière à chaque tournée. Il avait la grandeur de finir mes pintes, et je pense qu'il a eu double charge ce soir-là. Il s'en portait d'ailleurs aussi bien que ses complices en progrès étyliques, Roman (le Vieux) et Emmeline (le Coeur).
Revenu dans le repère de Luigi, dans une atmosphère nébuleuse créée par nos haleines passablement chargées, Le Vieux nous a en ce premier soir initiés à des formules incantatoires qui possèdent une puissance étonnante. « Enfonce-moi ta bite dans le cul, et qu'on n'en parle plus » : si certaines semblaient avoir un sens relativement clair d'autres étaient plus déroutantes. Son grimoire le plus ésotérique s'intitulait « Rrrr... », et l'enregistrement devrait être mis en ligne sous peu par l'ami Luigi.




Après cette soirée, le sommeil m'a semblé être essentiellement une visite des forges de Vulcain, dont le fond sonore nous était gracieusement recréé par les ronflements de Luigi. Fort heureusement, si sa respiration nocturne a la puissance du tracteur, son inspiration matinale vous purifie l'âme au réveil ; dès Potron-Minet, le Kyrie Eleison de la petite messe solennelle de Rossini a aspiré de mon esprit la vase qui l'embourbait. Ceux qui connaissent Luigi ne s'étonneront pas de sa réaction : exploitant jusqu'au bout mon début d'énergie, il m'a emmené marcher dans Prague jusqu'à ce que je crie grâce. Au terme de ce périple, la récompense était de taille, puisque nous nous sommes installé devant Don Giovanni, où j'avoue avoir roupillé par moments.

A la sortie de l'opéra, l'abbé Navé nous attendait, venu tout exprès de Vienne pour nous donner du love, selon ses propres mots. Au début j'ai été intrigué par ses pantalons de pompier, récupérés dans d'improbables vide-greniers autrichiens ; puis franchement médusé par ses airs de cartographe, qui abordait la métaphysique sur un mode géographique, pour répondre à ces questions qui nous tarabustent tous : « où suis-je, où vais-je, qui sont ces ploucs qui m'entourent et quelle langue parlent-ils? ». La lumière s'est faite soudainement, et j'ai compris la pureté de son coeur quand il nous a déclaré que son évangile à lui s'appelait Luna Parker. Je n'en dirait pas plus sur ce chapitre, préfèrant laisser dans son ignorance le lecteur qui aurait la chance de ne pas avoir en tête « les états d'âme, Eric » (5 jours ; ça a tourné sous mon crâne pendant 5 jours. Merci l'abbé!).

Photos L’abbé Navé, Cécile, Mickaël
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Au moment des vêpres, la troupe s'est agrandie à l'occasion d'un passage chez Cécile et Mickaël, qui ont pris le parti de nous fusiller avec des alcools de confection locale dont je suis heureux d'avoir oublié le nom. A partir de là, de même que la veille, la brume s'est épaissie autour d'une soirée d'où seules quelques bribes de souvenir émergent çà et là : j'entendais Luigi mener notre cortège dans la rue, beuglant du Johnny d'une voix auprès de laquelle la mienne faisait l'effet de celle d'un vieillard cacochyme et goîtreux.
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Vous connaissez Luigi : la bonne chanson Française le met toujours d’humeur généreuse (N’EST-CE PAS ?). En ce samedi soir, il était véritablement poussé à faire des folies, puisqu’il me promit de m’emmener dans un salon de thé, dans l’heure. La chose semblait ardue, et nous avons enjambé nuitamment des voies ferrées désaffectées, évité quelques patrouilles, pour arriver dans un lieu improbable dont Prague a le secret.
Il n’y a guère que Luigi pour transformer une machine à café dans une gare de fret en salon de thé ; pour nous offrir de nous réchauffer les mains sur un gobelet, assis sur des rails emmêlés de hautes herbes, au centre d’une ville dont la nuit nous laissait voir les lumières éparses, tout en étouffant les bruits urbains qui signalent habituellement les capitales européennes. Moment magique, durant lequel il avait fait de nous les passagers clandestins d’une ville en transit. Après quoi la lumière ne fut plus, pour quelques heures…
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C'est à la recherche de luminosité que nous avons quitté Prague le lendemain matin, en quête également de montagnes et de nains de jardin, qui semblent-ils ont trouvé là-bas un climat favorable. Dans les hauteurs, alors que l'abbé Navé insistait pour nous donner des nouvelles de son cobra (sic...), Luigi est allé défier les précipices, et s’est assis jambes dans le vide. Son pouvoir de transmutation nous a fait prendre la montagne pour la plage, tandis qu’il entonnait des refrains qui nous faisaient comprendre que la nostalgie n'est pas un vain mot.
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La divine voix de Cécile avait rejoint la sienne, pour nous donner un avant-goût du paradis, et plus simplement pour nous donner du love, again. Au retour, dans un grand élan d'oecuménisme, Luigi a décidé d'enrichir sa collection de nains de jardin de 5 (ou 6?) chiens / pin-ups / pingouins / vaches de jardin. J'en frissonne encore.
Le retour dans l'antre de Luigi a été enchanteur. Nous y attendaient notamment Le Vieux, avec son accordéon, et Le Coeur, avec son string à bretelles.

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En conclusion, qu'il me soit permis de saluer ici, outre l'hospitalité de Luigi, le stoïcisme dont fit preuve Mike lors de sa confrontation avec la version Luigiesque de la gastronomie Française (18 oignons pour 6 pommes de terre dans la purée), ainsi que l'enthousiasme d'Anna et Zina devant les 16 nains de jardin de Luigi (à voir en décembre 2007, l'exposition « Nains, Pingouins et Stupéfaction Maternelle », à Montjean, en Charentes). Qu'il me soit permis également de rassurer le lecteur attentif aux lacunes de mon séjour : j'ai finalement vu le cimetière juif et le pont Charles de Prague, le lundi matin, avant de méditer à l’envie sur ce graffiti découvert dans la vieille ville :

Luigi décida d’abolir le tourisme.
Et Frankwa vit que cela était bon.

Publié dans Visites

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P
Belle vidéo, mais surtout quel article incroyable !Le plus beau depuis la création de ce blog ?
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G
pardonne le, mon Dieu, il ne sait pas ce qu'il fait...
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G
Louis missionnaire de dieu à l'international
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M
tout simplement incroyable cet article(et surtout cette vidéo)
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P
à l'aéroport de pragues,  il y a un avant et un après!incroyable video
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